Hé Parker, un petit duel ? Que je te mette la misère !
Vendredi après-midi. Fin des cours. C'est toujours un moment que j'attends avec impatience. Le club de duel, c'est vraiment cool. On apprend à se battre, et on rencontre pleins de gens. Bon, parfois, j'avoue qu'on trouve vraiment des cas sociaux. Mais ça permet la mixité des maisons, disons. Puis, faut avouer que depuis que le professeur Hiddilton a repris en main le club, c'est vraiment plus intéressant. J'aime beaucoup ce prof. Il est nouveau, à Poudlard. Si j'ai toujours aimé la défense contre les forces du mal, maintenant, après la botanique, je peux clairement assurer qu'il s'agit d'une de mes matières préférées. Et le prof a une belle tête, aussi. Des beaux muscles. Un sourire vraiment craquant. Puis il est jeune. Mais c'est qu'un détail, on est d'accord. Ce n'est qu'un détail. Absolument pas pour cela qu'une belle ribambelle de demoiselles se pressent maintenant chaque Vendredi dans la Grande Salle. On pousse les tables et les longs bancs, et alors, l'atelier peut commencer. On choisit un partenaire et on suit les indications.
Aujourd'hui, je me bas avec Parker. Au moins, je suis sûre de gagner, car ce Gryffondor n'est pas à proprement parler un intellectuel. J'ai de très bonnes relations avec la plupart des rouges et ors, notamment Asha, qui est ma meilleure amie, mais je dois avouer que ce Gregory Parker me dégoute au plus haut point. Il se croit meilleur que tout le monde. Et je déteste ça. Très envie de le remettre à sa place, le descendre d'un niveau. Voir deux ou trois, même. On se met en position de duel, l'un en face de l'autre. Tout autour de nous, les autres élèves du club font de même. Et lorsque monsieur Hiddelton donne le signe de départ, les sortilèges fusent. Expeliarmus, Stupefix, j'entends même un Crache-Limaces. Sur le coup, ça me déconcentre légèrement, et ça m'amuse. Parker en profite. Un sort me frappe en plein milieu du ventre, et je suis propulsée quelques mètres plus loin, contre le mur. Tiens donc, Parker n'est donc pas si blaireau que je le pensais. Et la catastrophe. Je tombe, me tords violemment la cheville. J'étouffe un cri de douleur, et m'étale sur le sol comme une épave. Non, pitié, non. Pas une humiliation de ce genre. pas contre Parker. Je sens venir son sourire amusé et moqueur, en réponse à me demande de duel provocante. Je le sens venir à plein nez. Je m'assoie, les larmes aux yeux. Mine de rien, ça fait vraiment mal. Un petit attroupement s'est créé autour de moi, je n'aime pas ça. Je déteste être le centre du problème. Le professeur Hiddelton se fraye un chemin parmi la foule, et s'agenouille auprès de moi. J'enlève ma chaussure difficilement, grimaçante. Il examine ma cheville dénudée un instant, et grimace.
Ce doit être une entorse, ta cheville a gonflé. Madame Pomfresh va arranger cela facilement. Il m'adresse un sourire -Monsieur Hiddelton m'a adressé un sourire !- et se retourne, comme à la recherche de quelque chose. Austin va t'accompagner et t'aider. Déclare-t-il enfin.
Oh non. Oh non non non. Pourquoi lui ? Des images défilent dans ma tête. Cette soirée. Jamais je n'aurais dû m'y rendre. Trop d'alcool, trop de monde, trop de musique, trop d'ambiance. Et on s'est embrassés, sous le feu de l'action. Un vrai baiser. Comme dans un couple. C'est vrai qu'Austin est un beau garçon, il doit avoir bon nombre de filles derrière lui. Un compétition s'était installée entre nous, avant cet évènement. On se parlait, un peu, pendant les entrainements du club de duel. Puis c'est arrivé, et en toute honnêteté, j'ai cherché à l'éviter. Sa présence me gêne. Et m'attire en même temps. Je ne sais plus quoi en penser, et ça ne me plait pas du tout.
Je marche doucement dans les couloirs, le bras d'Austin est enroulé autour de ma taille et il supporte la moitié de mon poids. C'est silencieux, on ne parle pas beaucoup. Vraiment, je ne suis pas à mon aise, et Austin a fini par le comprendre. Je vois ce sourire amusé sur ses lèvres. On fait une petite pause à mi-chemin, il commence à me provoquer.
J'ai été distraite. Je tente de me justifier, pas question de s'avouer vaincu, pas devant Lawford. Il resserre son étreinte et si je reste impassible, mon cœur bat légèrement plus vite. Il me propose de le porter. Ne t'inquiète pas, ça ira. Il ajoute alors une remarque. Oui, c'est vrai que ses bras sont confortables. J'hésite un instant. Après tout, j'ai mal à la cheville. Je me hisse sur son dos et glisse mes bras autour de son cou. La marche reprend, un peu plus tendue cette fois-ci, mais à mon plus grand soulagement, plus rapide également.
On arrive à l'infirmerie. Madame Pomfresh me prend tout de suite en main et alors qu'elle court dans son bureau chercher je ne sais quelle potion, je m'assoie sur une chaise, Austin m'attend juste à côté. Merci de m'avoir aidé. Je murmure dans un souffle. Il y a étrangement du monde aujourd'hui, madame Pomfresh doit surement s'occuper d'autres élèves avant que mon tour vienne.

Je suis soulagée lorsque mes pieds retrouvent contact avec le sol. Retrouver cette distance de sécurité. L'espace vital que je m'impose quand je suis en compagnie d'Austin. Pas question de revivre la même scène, de refaire la même erreur. Même si au fond, ce baiser ne m'a pas tant dérangé que cela. C'est surtout toutes les questions qui s'installent désormais dans ma tête qui me dérangent. Je sens que je perds le contrôle de la situation, le contrôle de mes sentiments, que je ne suis plus naturelle quand il est là. C'est comme si de nouveaux démons, étrangers, se manifestaient.
Mais qu'est-ce que je raconte ?
Je ne ressens absolument rien pour Austin. Il n'est qu'un de ces serpents pathétiques, qui se croient supérieurs et se prennent pour les rois et reines du château. Crawford, Lawford, Haas, Ross, je les met tous dans le même sac. Des noms qui se font beaucoup entendre à Poudlard. Beaucoup trop à mon gout. Ils arrivent à obtenir cette popularité qu'ils souhaitent, on leur donne, on leur obéit. Et ils prennent confiance, ils estiment qu'ils n'ont rien à craindre. C'est ainsi que leurs géniteurs sont devenus si influents. A cause de cette négligence, de cette soumission pitoyable. On est aussi idiots qu'eux, à les laisser faire.
Alors non, pour des tas de raisons, je ne peux rien ressentir pour Austin Lawford.
Ce n'était qu'un simple baiser après tout. Juste dans le feu de l'action.
Je reste de marbre, prenant soin de ne révéler aucune expression lorsque je croise une demi-seconde son regard, avant de m'assoir sur la chaise. Il hausse les épaules suite à mon remerciement, presque inaudible. Il s'approche, me murmure à l'oreille qu'il n'a pas entendu. Heureusement, l'infirmière me sauve. Toujours là au bon moment. J'ai juste le temps d'adresser un regard noir au Serpentard avant que madame Pomfresh prenne la parole. Elle lui demande s'il veut se rendre utile. On voit qu'elle ne le connait pas. Sur le coup, sa demande, qui semble assez ironique, m'amuse. Il lui répond qu'il est parfaitement bien, à sa place. A ne rien faire. A attendre que ça se passe. Ça m'aurait étonné. Attitude arrogante. Regard indifférent. Je reconnais le Serpentard par excellence ici. Madame Pomfresh lui lance un coussin, lui donne quelques indications pour immobiliser ma cheville. Je m'apprête à me lever, persuadée que je ne dois évidement pas compter sur lui pour m'aider davantage.
A mon plus grand étonnement, je n'ai pas à me déplacer. Austin soupire, mécontent, et fait volte-face. Attrape une deuxième chaise, quelques mètres plus loin. La dépose devant moi. Jette le coussin dessus. Relève le regard, croise le mien. Je pose mon pied sur le coussin, décide de ne plus bouger. De toute façon, ce n'est pas avec une cheville défoncée que je vais m'échapper. Condamnée à passer un certain temps à l'infirmerie, en compagnie d'Austin. Car visiblement, lui non plus, n'a pas l'air décidé à bouger. Le garçon s'adosse de nouveau contre le meuble d'à côté, je sens qu'il me fixe. De quelle manière ? Aucune idée. Je ne sais même pas si j'ai réellement envie de le savoir. Quel sentiment s'emparerait de moi ensuite, si je relevais la tête de quelques centimètres ? Exaspérée ? Ennuyée ? Déçue ? Comblée ? J'essaye de ne pas me poser de questions.
« Ça ne peut pas te faire de mal, on te sert trop, faut apprendre à aider les autres aussi. » Je dis cela d'un air plutôt monotone. Ennuyé. Je sais que ça ne le vexera pas. Il en faut beaucoup plus pour blesser un Lawford. Et surtout Austin. Puis après tout, il sait aussi bien que moi que c'est la vérité. Simplement, il la voit d'un autre œil, d'une autre manière. « Et je te rappelle que c'est moi la blessée, ici. Alors arrête un peu de te plaindre. » J'ai envie de continuer sur la lancée. De lui exposer réellement le fond de ma pensée. De lui faire comprendre qu'il n'a pas besoin d'être récompensé, qu'il n'est pas un chien, qu'il ne gagnera pas quelque chose à chaque fois qu'il fera une bonne action. Mais je me tais. Parce que je sais que face à lui, ce n'est pas la bonne solution. Il s'en fiche de ce que je peux dire, de ce que je peux penser. Inutile de gaspiller ma salive.
« Tu peux partir, si tu veux. Je suis sûre que tu es très impatient de raconter à tous les autres comment Parker m'a balancé contre un mur. » Je ne veux pas qu'il parte. Pourtant, je lui laisse le choix. Que je peux être idiote, alors, parfois.